lundi 2 juillet 2012

2666 Roberto Bolano Folio



Il faut bien une semaine pleine pour parcourir cet ouvrage de 1350 pages, livre testament, écrit sur plusieurs années et publié après sa mort, du démiurge écrivain Chilien. L'ouvrage se compose de cinq livres cohérents et complémentaires ( les critiques, Amalfitano, Fate, les crimes, Archimboldi )réunis par les ayants droit en un seul, sous l'énigmatique titre 2666.


2666 une date à la fois lointaine et pourtant proche jetée comme un satanique défi ( nombre d'or, chiffre du diable )au désordre du monde qui est et à celui qui vient. Articulé autour d'une série de crimes réels de femmes commis à Ciudad Juarez ( Santa Teresa )au Mexique et des crimes nazis, ou l'asservissement des peuples noirs, l'ouvrage monde peut se lire de multiples façons. Chacun y trouvera la sienne.


Vaste fresque littéraire qui se déroule comme un immense pensum, catalogue raisonné de la pensée littéraire réelle ou imaginaire que l'auteur déroulerait comme pour nous dire, avant de mourir, ce que l'humanité leur doit et lui plus encore, avec une tendresse toute particulière pour la poésie, mais aussi que son poids est bien relatif face à un univers qui la dépasse. La dernière page, celle qui a sans doute été pensée depuis le tout début, illustre avec une mordante ironie, comment le botaniste et chroniqueur de voyages Fuerst Pueckler ne passera finalement à la postérité que pour le goût d'une glace aux trois parfums portant son nom.


Vaste intrigue policière, à la recherche d'un criminel qui se dérobe de page en page, qui déroule chapitre après chapitre les rebondissements d'une trame particulièrement complexe mais toujours menée au millimètre. Bolano nous laisse finalement sur notre faim, pour mieux nous faire comprendre que si le pire est toujours l'oeuvre de la main d'un ou de plusieurs hommes, il est plus encore le résultat d'une société trop machiste, trop conformiste, trop raciste ou trop lâche pour ne pas se laisser aller à ses pires penchants.


Vaste roman de la solitude, qui donne toute sa place au sexe mais quasiment pas à l'amour et in fine assez peu à l'amitié. Ouvrage particulièrement nihiliste qui verbalise sans répit la folie et la mort, la soulignant dans tous ses détails, la décrivant implacablement, cadavre après cadavre, dans une litanie à la limite de la nausée, parfois lassante, mais qui paradoxalement rend un dernier hommage à ceux qui n'y ont jamais eu droit et leur donne au travers des pages une parcelle d'éternité.


Vaste dédale de gestes, de mots, de lieux, de personnages, terriblement militant et ambitieux, dont les couloirs se tournent et se retournent sans jamais se perdre, nous donnant presque toujours les pistes de façon lumineuse, après avoir exploré comme à l'ombre d'un oeil démoniaque et drogué tout le spectre des possibles, puis tout le spectre des impossibles, les arcanes de la terre du ciel et du trou noir des enfers. Les personnages, depuis Benno von Archimboldi jusqu'à la plus misérable putain mexicaine, s'imprègnent dans notre rétine dans toute leur vertigineuse réalité. Car le propos immense est de décrire la condition humaine et d'aller chercher chez chacun la réalité, aussi noire soit elle et sans artifices.


Brillantissime exercice de style, aussi, dont la forme soutient le fond implacablement avec un style ciselé pour mieux nous oppresser. On se débat par exemple avec une phrase de plusieurs pages, à peine ponctuée, sans doute la plus longue jamais lue en littérature. Ou de très longs développements, avec peu de dialogues. Ou encore de multiples digressions. Ce style qui pourrait nous étouffer, parvient pourtant avec maestria à nous maintenir en haleine jusqu'à la dernière page.


On ne ressort pas indemne de cette foisonnante beauté et de cet insatiable questionnement. Il faut souffler et reprendre sa respiration. Se dire qu'il faudra y revenir encore et encore. On pense une minute à laisser 2666 pendu par une pince à linge affronter l'iode et le vent breton pour voir si l'air ambiant, pourrait, aussi bien que l'air d'Amérique centrale, "lui apprendre une ou deux choses". Mais tout y est déjà écrit. Tout ce qui a eu lieu. Tout ce qui n'a pas eu lieu. Tout ce qui aurait pu avoir lieu. Tout ce qui est. Et tout ce qui sera.

mercredi 30 mai 2012

Salon du livre de Caen 2012

Une grande tente dans la cour du chateau. Je passais là par hasard. Je m'y arrête.

Il n'y a pas grand monde par ce beau week end ensoleillé. Comme toujours ce sont les auteurs de bande dessinée qui sont à la fête.

Je découvre Jean Baptiste Gendarme, inconnu pour moi. Un beau palmarès déjà avec plusieurs romans, dont un dernier roman dans une prestigieuse collection Gallimard, et une activité de découvreur au sein de la revue Décapages. Il est là tout seul face à sa pile de romans et a l'air de se morfondre. Je le suis au Café littéraire pour l'entendre disserter sur son nouveau roman "Un éclat minuscule". L'histoire qui se déroule sur trente minutes, d'un accident où l'épouse agonise pendant que le mari inerte, se remémore leur vie de couple. La journaliste nous dit que cette histoire est terrible et émouvante. Jean Baptiste nous explique qu'il a situé l'histoire à Alexandrie pour se débarrasser une bonne fois pour toute des voyages dont il a horreur. Je n'arrive pas à le suivre sur ce terrain là.

Le soleil flamboie sur le palais ducal. La pente herbue rededescend doucement vers la ville. Inerte.

lundi 19 mars 2012

Salon du livre de Paris 2012

Je souris tout seul en arpentant les allées. Quel privilège que de ne pas être partie prenante de ce cirque! Juste le plaisir de vagabonder librement en zigzag.

Sulitzer et Jean Manson de concert, sur une petite tablette, gloires déchues qui ne signent que leurs personnages. Des mangas à foison. En veux tu ? En voilà. Déguisements et tout le tralala. Je fuis. L'enfant est l'avenir de l'homme, la bd celui de l'édition. Abcd. Une perle ? Une. Une petite exposition Pierre Benoit. Il était temps. Lui c'est A. A comme Antinéa. J'ai essayé de lire tout Pierre Benoit mais le territoire était trop vaste. Rayonnages. Jacquettes jaunes, jacquettes blanches. Nrf. J'aie une amie, retrouvée au hasard d'une conférence, qui porte toutes ces robes là. Et pourtant elle ne mange pas tous les jours du caviar. Sgdl.
Ma Bretagne est plus belle que ta Provence. Ton Aquitaine se corse. Je suis en couleurs. Recto verso. Les auto édités quémandent un sourire. Un éditeur, sa femme, sa fille, le grand père. La grand mère n'est plus. Le plus beau sourire du Paf fait grise mine. Les tablettes s'auto proclament belles et libres. New and improved. Elles ont le goût du métal oxydé sans l'odeur de la colle. Drm. Les étudiantes en goguette, accroche coeurs ou plus s'il y a un contrat. Signez en bas. Honni soit qui mal y pense. Les radios se répondent, dix gros micros noirs, d'autres micro trottoirs. Miroirs. Tables rondes farandoles des egos. Derrière une vitre dix apprentis apprennent à écrire le roman de leur vie. Poissons bulles dans l'aquarium des rêves. Il pleut à verse sur le hangar qui hier acceuillait le cul des vaches du salon de l'agri-culture. Je fuis. Le sandwich c'est six euros. Sans le café. Cigarette ? Oui, merci.


Les meilleurs moments sont toujours dans mon off :
- derrière les panneaux dans la partie fermée et désertée à observer, cigarette au bec, les stars qui défilent pour prendre la pose sous la lumière crue d'un photographe ( positionne mieux ta légion d'honneur coco )
- happé malgré moi dans la foule des courtisans pour me retrouver, benet bleu, bleu benet, nez à nez avec le futur président de la République qui fait sa campagne de la culture. Pire qu'un courtisan ? Pire c'est le courtisan en devenir. Celui qui voudrait bien.
- surpris à jacter du pont d'Orléans sur le stand du québec
- tenter de dialoguer avec une libraire qui ne parle que le russe
- lire un petit poème algérois

La vie si j'veux.